Le Cri de l’Aurore, de Hoai Huong Nguyen

Hors du temps, et immortel !

Vous me connaissez, j'aime varier mes lectures. Tous genres, toutes origines, tous styles entrent dans ma bibliothèque pour peu que le livre en question soit beau. Eh bien, Hoai Huong Nguyen, n'écrit jamais autre chose que du beau. Je vous avais parlé de son Ombre douce, voici son tout dernier texte, roman épistolaire qui donne vie à un amour légendaire. La plume est à ravir, la poésie du texte sans limites et la brise qui souffle entre les mots délicieuse !

Nous ne savons pas bien où se déroule l'histoire contée, ni à quelle époque. On nous parle du royaume d'An Linh mais dès la première page on nous situe les choses :
« An Linh n’existe pas. On ne peut arpenter ses rizières, parcourir ses collines, sentir sa brise à l’aube et se recueillir dans ses cimetières face à l’océan. Rien de ce qui suit n’est réel. La correspondance que vous allez lire aurait pu se tenir il y a deux cents ans. Endormis depuis de longues années, Isey, Thanh et leurs compagnons se réveillent. L’un après l’autre, ils se lèvent pour entrer sur une scène imaginaire encore plongée dans la nuit. Ils s’apprêtent, revêtent des tuniques colorées, soulignent leur regard d’un trait de khôl, prennent une plume et des feuilles de papier pour jouer leur partie. Le paysage s’éclaire : ils vont ouvrir le bal... Puisse le Ciel donner vie à leurs lettres, clarté à leurs voix – et leur accorder la grâce de vous rencontrer.  »
Le seul moyen de rentrer dans le récit est donc de se laisser transporter dans cet espace-temps qui est hors du temps et qui se pose dans un éternel recommencement, celui de l'amour inconditionnel et inépuisable.

Dès les premières pages nous apprenons qu'un homme vient d'être arrêté en pleine nuit. Son épouse est enceinte. Très vite on comprend que l'homme n'a commis d'autre crime que celui d'être épris de justice, de liberté et d'égalité pour tous. Or cela n'est pas acceptable ; le gouvernement doit donner un exemple fort. Le prisonnier et sa femme trouvent un moyen pour correspondre. Et d'autres personnages s'écrivent : l'épouse et sa mère retirée au couvent, l'épouse et sa meilleure amie, l'épouse et un ami militant de son mari... Une intrigue se noue et se dénoue. On nous raconte les histoires du passé et la manière dont elles peuvent influer sur le présent et le futur. Quel sera le dénouement de cette affaire ? Il faudra lire le roman jusque ses dernières pages pour savoir.

Le roman de Hoai Huong Nguyen se révèle merveilleux par sa capacité à dire et écrire l'amour décliné dans tous ses modes d'expression. L'amour conjugal, maternel, amical, fraternel. Tout cela est mis en mots, mille fois, sous mille formes différentes. Et pourtant le roman nous raconte une histoire qui avance sans répit, avec rebondissements et surprises. C'est peut-être la force d'un roman épistolaire de parvenir à nous plonger dans les sentiments et émotions des personnages. L'essentiel de la vie et de l'âme humaine se résume à cela : les échanges avec les autres, la présence et le soutien de ceux que l'on aime, et leur aide en temps de crise, en cas de besoin. Ce roman illustre une vie parfaite. L'hypocrisie, les agissements tus, les intérêts politiques et sociaux maintenus et défendus coûte que coûte, tout cela est présent aussi. Mais l'authenticité chez nos personnages principaux résiste à tout.

J'ai aimé ce livre. Bien-entendu je l'ai lu à un moment propice pour accueillir de la poésie, du lyrisme et une histoire d'amour comme on n'en voit pas bien souvent dans les livres et films actuellement. Alors si vous avez envie de lire un Roméo et Juliette, un Tristan et Iseult, moderne et coloré, n'hésitez pas à vous jeter sur ce roman. Pour ma part je suis conquise par la plume de Hoai Huong Nguyen et les histoires dans lesquelles elle nous plonge. Je continuerai d'être une de ses fidèles lectrices et ne vais pas tarder à lire son Sous le ciel qui brûle qui a remporté plusieurs prix.

LE CRI DE L'AURORE
Hoai Huong Nguyen
éd. Viviane Hamy 2019

La photographie présentée montre l'ancienne capitale du Vietnam.
L'illustration proposée est une peinture de Dang Can.

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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