Voici un conte entendu dans mon enfance, et qui est resté gravé en ma mémoire, telle une leçon de vie qui ne cesserait de ressurgir, régulièrement...
Il était une fois un riche marchand féru de découvertes et d'objets singuliers. Au fil de ses voyages il avait accumulé de nombreux biens qu'il gardait dans ses multiples demeures. De tous ses avoirs, il était une possession qu'il chérissait au-delà de toute mesure. C'était un perroquet du Brésil qu'il avait trouvé chez un commerçant lors d'un de ses voyages. Il aimait choyer son bel oiseau et satisfaire le moindre de ses désirs.
A l'occasion d'un de ses départs, à la découverte de nouveaux horizons et de nouvelles routes de commerce, cette fois maritimes, il consulta un par un les membres de sa famille, leur demandant ce qui leur ferait plaisir comme cadeau souvenir. Il prit le temps de décrire les spécificités du lieu où il prévoyait de se rendre ainsi que les trésors qui faisaient la notoriété de ces contrées lointaines en question. Son épouse, ses filles, ses fils, sa famille proche ou éloignée, ses nombreux amis, lui demandèrent chacun de leur rapporter quelque merveille. Enfin il se rendit auprès de son perroquet. Caressant sa belle cage du bout des doigts, il susurra quelque compliment à son animal chéri. Puis il lui dit qu'il serait heureux de lui rapporter, à lui aussi, un présent du Brésil, sa destination prochaine.
- N'est-ce pas le pays d'où je suis originaire, lui demanda le perroquet ?
- C'est bien cela, mon ami.
- En ce cas je ne te demande qu'une chose. Rends-toi auprès de mes congénères et raconte leur mon histoire, parle-leur de moi.
- Et puis ?
- C'est tout. Simplement cela.
Étonné que l'oiseau ne lui demandât point de présent plus extraordinaire, il lui fit la promesse de veiller à sa requête.
Notre homme partit, et fut absent un très long temps. À tel point que sa famille et ses amis se demandèrent s'il reviendrait jamais.
Un beau jour il revint, enchanté de son voyage et arborant un bien grand sourire, hérité de ce pays hors normes. L'un après l'autre il remit à sa famille les cadeaux demandés et d'autres trésors découverts au hasard de son chemin en ces contrées lointaines.
Enfin ce fut le tour de son oiseau vénéré.
- As-tu trouvé mes semblables dans les forêts de ce grand pays que tu souhaitais visiter?
- Oui mon cher et splendide ami. Je me rendis dans la forêt comme tu me l'avais demandé et entouré de bien des perroquets magnifiques je leur parlai de toi. Mais il se passa un étrange phénomène et je ne sais si cela te fera plaisir de l'apprendre.
- Tu peux me le dire, je ne serai choqué de rien, absolument rien.
- Eh bien voilà, à peine avais-je terminé de raconter ton histoire et de décrire ta présence parmi nous que le plus ancien de cette assemblée se raidit et tomba net, en chute libre, au sol, à mes pieds. J'eus beau le secouer je ne parvins pas à le ranimer. Malheureux de la scène à laquelle je venais d'assister je partis sans plus attendre.
Sitôt que notre aimable marchand eut terminé de conter sa mésaventure, le perroquet apprivoisé, à son tour, se raidit et tomba la tête la première dans sa cage. Pris de panique, l'homme secoua la cage, hurla, cria tout son for. Ne voyant pas son oiseau chéri réagir il ouvrit la cage, le prit dans les mains et le posa sur la rambarde du porche, dans l'espoir qu'il se ranimât. Dès lors l'oiseau reprit ses esprits, et battant des ailes s'éleva dans les airs. Son propriétaire eut beau le rappeler, la voix tremblotante et les larmes aux yeux, celui-ci ne prit point la peine de revenir. L'homme lui demanda alors une explication.
- N'ai-je pas toujours pris bien soin de toi ? Ne t'ai-je pas toujours choyé et gâté ? Que te prend-il, de te sauver ainsi ?
- Je ne fais qu'appliquer le conseil de l'Ancien, lui répondit le perroquet. Je lui demandai, vois-tu, ce qu'il pensait de mon sort. Sa réponse était on ne peut plus claire : « Mieux vaut mourir que vivre en ces conditions. Un oiseau qui a perdu sa liberté est un oiseau mort », m'a-t-il dit...
Les peintures présentées (hormis l'image de peinture murale) sont de :
- Henri Matisse,
- Catherine Musnier.
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.