Cela fait quelque temps qu'en sortant des salles de cinéma je me demande dans quel dessein le film a été réalisé. Que veut dire tout cela, y a-t-il un sens dans ce que l'on nous a montré là ? Parfois les films que je vois me semblent néfastes. Et dans ce pages de Kimamori je ne vous parle que de ce qui m'a plu. Hier J'ai vu La Favorite. Je me suis fait ces mêmes remarques, mais pour une fois je n'ai pas trouvé le film particulièrement nuisible. Alors je vous en parle ! Un trio d'actrices extraordinaire. Un film historique. Le burlesque d'une pièce de Molière. Des costumes splendides. Et des qualités cinématographiques. Une narration fluide et des personnages nuancés. Voilà donc bien des qualités de ce film, et pourtant à mon sens le tout ressemblerait surtout à une excellente série télevisée déguisée en film !
Le film met en scène La Reine Anne d'Angleterre (1665-1714), ses caprices, ses faiblesses et sa douce folie. Le pays est gouverné par sa favorite. La Cour cherche à avoir l'oreille de la favorite, celle qui est là depuis longtemps ou une autre qui la remplacerait... Le faste de la cour, et son ridicule sont joliment présentés et théâtralisés. Et puisque de notre temps l'honneur est aux femmes, le trio de choc est éptant et ces rôles principaux sont tenus par trois femmes, la reine, sa favorite et une cousine éloignée de la favorite qui surgit de la campagne.
Si l'on a regardé la bande annonce avant d'aller voir le film, on sait déjà tout ! J'avoue que le suspens que contient le film fonctionne, un peu comme lorsque les enfants regardent pour la énième fois un dessin animé de Walt Disney, qu'ils connaissent par cœur, et s'épouvantent malgré tout à l'arrivée de la sorcière. Ici princesses et sorcières sont incarnées dans la mêmes peau. Les personnages sont nuancés comme je le disais plus avant en ce sens que le bien et le mal cohabitent en leur sein. L'amour, l'émotion, la faille sont en ces femmes, et ainsi elles nous touchent. La vilenie, l'attrait du gain et du pouvoir sont également leur lot, et les avilissent. La reine joue dans un registre bien différent encore. Une pauvre folle démunie et diminuée. Les scènes d'intérieur et d'extérieur se succèdent. Ces femmes sont cavalières, elles sont aussi des tireuses d'élite à la carabine. C'est peut-être une vérité historique, mais là encore j'ai eu le sentiment d'être dans "l'air du temps". Un peu comme pour le roman au très grand succès de Gabriel Tallent : son personnage féminin est aguerri au maniement des armes. Pourquoi tout cela ne serait que du ressort des hommes, nous dit-on peut-être ?...
Ce film a eu bien des nominations aux Oscars et à d'autres prix anglo-saxons. Mais un seul Oscar lui a été remis, pour la meilleure actrice, d'Olivia Colman dans le rôle de la reine.
Et pour ma part, je suis restée un peu sur ma faim côté historique. On ne nous situe pas cette reine Anne, sœur de la reine Marie Stuart qui a régné avant elle, ni l'époque qui représente l'avènement d'un "Royaume Uni" (l'Écosse rapprochée de l'Angleterre). On ne nous situe pas davantage sa favorite Lady Marlborough. Or cette Sarah Jennings est mariée à un intrigant John Churchill, qui a obtenu son titre de comte de Guillaume III et celui de Duc de Marlborough par la faveur de la reine Anne. Il s'est distingué en grand stratège à la guerre. Ce couple aura pour descendance Winston Churchill, pour la petite histoire ! Et l'image de reine faible qui nous est donnée dans le film provient des écrits de cette Sarah Churchill après qu'elle fût rejetée de la Cour... Non, le film ne nous apprend rien. Quelques éléments historiques sont doucement effleurés : la perte de pouvoir des Tories au profit des Whigs au parlement, les dix-sept grossesses de la reine sans jamais aucun enfant survivant, la place des deux favorites successives à ses côtés. Mais je ne peux pas dire que le film nous éclaire sur un certain contexte et une certaine époque ; ni qu'il nous permet de mieux comprendre l'actualité politique récente du Royaume Uni.
Je ne regrette pas d'être allée au cinéma pour voir ce film, et je ne vous dissuade pas non plus d'y aller. J'ai ri, j'ai passé un bon moment, et la dernière scène du film qui nous propose une fin en queue de poisson ne m'a pas gênée. De là à vous dire que ce film restera lontemps ancré dans mon esprit, il y a un pas que je ne franchirais pas ! Alors pour mot de la fin de cette chronique je dirais que nous sommes au printemps. Il fait beau, la légèreté est requise et désirée, alors on peut se rendre au cinéma sans cause ni conséquence, pour s'amuser d'une comédie burlesque et admirer des costumes magnifiques.
LA FAVORITE
Réalisateur : Yórgos Lánthimos
Scénario : Deborah Dean Davis, Tony McNamara
Directeur de la photographie : Robie Ryan
Montage : Yorgos Mavropsaridis
Casting : Olivia Colman, Rachel Weisz, Emma Stone, James Smith, Mark Gatiss, Nicolas Hoult, Joe Alwyn
Costumes : Sandy Powelle
Date de sortie : février 2019
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.