« Quand on le réveille en pleine nuit, certain qu’il ne voudrait pas qu’on attende, pour lui annoncer que la Joconde a disparu, Carlos Hernandès ne montre aucune émotion particulière – l’homme n’est guère expansif, d’une façon générale -, mais il s’envole immédiatement pour Abu Dhabi où il a regroupé les équipes scientifiques et techniques qui produisent dans le plus …
Biotope, d’Orly Castel-Bloom
Tel-Aviv ArromanchesJoseph Shimel habite au cœur de Tel-Aviv avec Foxy, son « pseudo-teckel » ou son « chiropracteur ». Il vivote sans perspective claire sinon celle de vivoter. Contempler le spectacle de la rue, sortir avec Foxy pour faire quelques courses au London Ministore et croiser les sans-abris ou les ex-drogués en quête de méthadone est son quotidien. Heureusement pour lui, des événements imprévus …
Terre somnambule, de Mia Couto
« – Tu ne sais pas, mon fils. Mais pendant que les hommes dorment, la terre cherche. – Elle cherche quoi, père ? – C’est que la vie n’aime pas souffrir. La terre cherche à l’intérieur de chaque personne, elle rassemble les rêves. Oui, comme si elle était une couturière de rêves. »En ce début d’année 2025 paraît une réédition, …
Un métier dangereux, de Jane Smiley
« De retour dans sa chambre, elle souffla la bougie et s’assit en silence pour contempler l’arbre et le ciel par la petite fenêtre. On était désormais en 1853, et si quelqu’un lui avait prédit deux ans plus tôt ce qu’elle allait vivre – Peter, le voyage à travers la prairie, puis les montagnes, enfin la beauté et l’étrangeté de …
Orbital, de Samantha Harvey
« Ils sont une chorégraphie de mouvements et de fonctions du corps du vaisseau alors que ce dernier accomplit sa chorégraphie parfaite autour de la planète. »Si le cinéma a su marquer nos esprits avec les voyages dans l’espace, la littérature s’est moins adonnée à cette exploration. Samantha Harvey, avec son roman Orbital – Lauréat du prestigieux prix littéraire Booker Prize – …
Intermezzo de Sally Rooney
« Il attend qu’elle ouvre la porte. Elle comprend et elle sait. Ce serait bien que tu le contactes, dit-elle. Tu pourrais lui envoyer un message. En quel langage ? I. e4 ? Oui, répond-il. Tu as raison. Je vais faire ça. Je vais le faire. »L’écrivaine irlandaise Sally Rooney a rencontré une renommée internationale dès la parution de son premier roman, …
Le chemin barré, de George-Arthur Goldschmidt
Deux récits en miroirOn attendait ces livres. Moins en tant qu’ils sont porteurs de quelque révélation, mais parce qu’ils sont signés par l’un des grands écrivains de ce temps, autobiographe fortement marqué par Jean-Jacques Rousseau, ce dont attestent par exemple La traversée des fleuves et Le recours. Georges- Arthur Goldschmidt est aussi un passeur : critique littéraire, essayiste, il est le …
Tous passaient sans effroi, de Jean Rolin
D’autres chemins en d’autres tempsLe sentier, le chemin, la route, on n’en finirait pas d’énumérer les voies qu’emprunte Jean Rolin depuis une quarantaine d’années. Son premier livre, Chemin d’eau, réédité comme nombre de ses titres en Petite Vermillon donne envie de longer les canaux ici et là. Non qu’il écrive comme un de ces guides à la mode, qui font …
Bristol, de Jean Echenoz
Bristol, pas la fiche ni la villeLes saisons se suivent et se ressemblent : elles n’invitent pas à la rigolade, pour reprendre un terme que Queneau appréciait. C’est vrai sur tous les plans, dans tous les domaines et la littérature ne fait pas exception. Les écrivains cochent des cases ; l’humour et le rire n’en font pas partie. Reste… Jean Echenoz. C’est …
Une femme sur le fil, d’Olivia Rosenthal
Suivre le fil sans se défilerZoé est une enfant qui ne doit pas marcher droit. Si elle ne ruse pas, si elle n’emprunte pas des chemins hasardeux, elle risque de rencontrer son oncle, un prédateur dont elle ne sait comment se défaire. Les acrobates, équilibristes et autres doivent au contraire filer droit, ne pas regarder de côté, et atteindre le …
Mémoires interrompus, de Bertrand Tavernier
Bertrand Tavernier, gourmand de toutSi la mort ne l’avait pas empêché de terminer ce livre, Mémoires interrompus aurait sans doute compté deux volumes, voire trois, et des milliers de pages. Le manuscrit que nous découvrons ne dit rien du tournage de L627, de celui de La vie et rien d’autre, Ça commence aujourd’hui, L’appât ou Quai d’Orsay. Bien d’autres encore. …
La fileuse de verre, de Tracy Chevalier
« La Cité des Eaux possède sa propre horloge. Venise et ses îles voisines ont toujours paru figées dans le temps – et peut-être le sont-elles. »Quel plaisir de retrouver Tracy Chevalier comme nous aimons la lire. Dans son précédent roman, La brodeuse de Winchester, elle nous transportait dans la Grande Bretagne de l’entre deux guerres au côté de brodeuses et de …
Toutes les vies de Théo, de Nathalie Azoulai
Cinq décisions font une vieLe roman a ceci de précieux, quand il n’est pas « engagé », de donner voix à chacun, de ne pas juger les personnages, de ne pas donner un sens unique à toute chose. C’est au lecteur de le faire. On me dira que le roman engagé fait partie de la préhistoire. A voir toutes les fictions « basées …
Au soir d’Alexandrie, d’Alaa El Aswany
« Le restaurant fermait officiellement ses portes à minuit. Alors le visage de Carlo perdait l’expression cérémonieuse et empressée avec laquelle il servait les clients, au profit d’un air aimable et familier. Il montait au petit bar du premier étage où il accueillait un groupe d’amis qui avaient donné à leurs retrouvailles nocturnes le nom de Caucus. »Nous connaissons bien l’écrivain égyptien …
Italo Calvino, Romans – collection La Pléiade
Quatre saisons avec Italo CalvinoC’est un peu comme la venue des bourgeons sur les arbres, ou celle des fleurs. Les livres apparaissent, et les revues, les articles. Vers la fin août, les arbres sont surtout des marronniers. L’un d’eux s’appelle « rentrée littéraire ». D’autres marronniers existent : rentrée scolaire, rentrée sociale, ponts de mai et bouchons vacances … Oublions-les, et revenons …
Absolution, d’Alice McDermott
« Wally a secoué la tête. J’ai du mal à le croire, a-t-il dit en anglais. La poésie habite le monde bien avant qu’un poète la trouve. Elle prend sa source dans l’inexprimé. L’inexprimé est toujours traduisible. Charlène a ri, mais ce n’était pas son rire habituel, cette espère d’éternuement aux échos dédaigneux et faussement contrits. »Écrivaine admirable, Alice McDermott …
Saint-Nazaire, de Patrick Deville
Une escale dans l’estuaire« Il est toujours agaçant d’être né quelque part. On ne choisit ni le siècle ni le lieu. Pas non plus la langue maternelle. Il est davantage ridicule de s’en prévaloir, n’y étant pour rien. Je ne suis pas né à Saint-Nazaire, peu s’en fallut ». Le premier paragraphe du dernier livre de Patrick Deville donne le la et …
MANIAC, de Benjamin Labatut
« Chaque jour semblait apporter quelque chose de nouveau. Une nouvelle découverte, un nouveau record de production agricole, un nouveau produit à acheter, de nouveaux vêtements à la mode qu’il fallait porter. Toujours cette excitation de la nouveauté. Donc nous avons fait ce que nous devions faire. Nous nous sommes amusés. Nous avons joué. (…) nous nous comportions comme des gosses …
Dix versions de Kafka, de Maïa Hruska
Dix façons de comprendre Kafka2024 est l’année anniversaire de la mort de Kafka. Les livres abondent, les commentaires fleurissent. Nous en avons l’habitude. Milan Kundera supportait mal ce qu’il nommait « kafkologie ». Outre les intentions politiques qui dévoyaient l’œuvre du romancier, il sentait chez des essayistes et philosophes un désir de se l’approprier pas plus honorable que la manipulation …
Bien-être, de Nathan Hill
« La prairie est ce qu’elle est grâce au feu. Sans des feux réguliers, une prairie serait peu à peu envahie. Les arbres empiéteraient sur les herbes hautes – le peuplier d’Amérique en particulier, une essence dont les graines légères comme des peluches peuvent voyager sur des kilomètres, poussées par le vent du Kansas. »L’écrivain américain Nathan Hill a été immédiatement loué …
Programme festival Mille Voci è Mille Scritti 2024
Troisième édition de notre festival Littérature et Oralité les 25, 26 et 27 octobre 2024 à Sotta en Corse du sudLa thématique de cette année est « Manières de vivre – une façon d’être au monde ».Comme chaque année vous pourrez suivre les rencontres d’auteur, voir une projection de documentaire, vivre des spectacles de lecture en musique, déambuler dans la …
Julia, de Sandra Newman
« Tout était faux. On savait que tout était faux, mais tout le monde ajoutait des mensonges aux mensonges, jusqu’à ce que plus personne ne puisse dire où ils commençaient et où ils finissaient. Toute cette vie n’avait été que faux-semblants, chacun jouant un rôle comme un enfant. Même à l’Amour, ils avaient joué à la torture et au meurtre, sachant …
Si peu, de Marco Lodoli
Avec rien, ou presqueDans la banlieue de Rome, une gardienne de lycée tombe amoureuse d’un professeur de Lettres. Elle l’aimera pendant quarante ans sans qu’il le sache ou presque. Elle aura passé sa vie dans cette dévotion-là, en toute simplicité, sans rien attendre. Ainsi résumerons-nous Si peu, nouveau roman de Marco Lodoli, auteur publié depuis 1987 par P.O.L. et que …
Le dernier rêve, de Pedro Almodovar
« Malgré son peu d’expérience, Miguel commence à comprendre que le présent domine tout. Autour du présent flotte une sorte de nébuleuse, avant et après, dans laquelle la mémoire existe encore. C’est tout : une nébuleuse qui agrandit le présent de quelques jours seulement, vers le futur et vers le passé. »Nous connaissons tous le scénariste et réalisateur Pedro Almodovar mais savions-nous …
Mesopotamia, d’Olivier Guez
« Elle a transformé la fiction romantique en réalité géopolitique, et respecté le vœu qu’elle avait fait à l’enterrement de son grand-père, fidèle aux goûts de l’effort et de l’exploit de sa famille : elle aussi a créé un petit empire. Elle tire ses ficelles. Elle en est la reine sans couronne. »Roman géopolitique extrêmement bien documenté, Mesopotamia d’Olivier Guez – qui …
S’aimer dans la grande ville, de Sang Young Park
« Est-ce la sensation que ressentirent les amants de Pompéi quand ils furent recouverts par les nuées ardentes ? Quelque chose de brûlant m’a happé et le monde s’est figé un instant. Spinoza avait dénombré quarante-huit émotions. Laquelle d’entre elles étais-je en train de vivre ? Le désir, la joie, l’émerveillement, l’embarras ? Et lui, que ressentait-il ? Un mépris teinté …