Ce roman de Jenni Fagan, écrivaine écossaise, est d’une grande poésie, riche de subtilité, d’humour, de finesse et de tendresse. Mais c’est une dystopie, et la question du dérèglement climatique y est traitée sans concession. L’extraordinaire et le hors normes ont leur place dans ce texte, et dans le cœur des personnages. Beau et étrange, intime et très imaginaire, le livre se dévore, d’une lecture lente.
Nous sommes dans un futur très lointain où, dû au réchauffement climatique, les glaces ont fondu, où les iceberg dérivent vers l’Europe et où désormais l’hivers épouse les moins cinquante (-50°C) degrés Celsius. Et notre écrivaine, dotée d’humour, situe ce futur lointain en 2021. Pour le reste, le monde ressemble à celui que nous connaissons, une planète avec des êtres humains : des hommes, des femmes et des transgenres.
Dylan vient de perdre sa mère et sa grand-mère. Tous trois vivaient ensemble dans un cinéma, qui était leur maison. Très vite il découvre qu’ils croulent sous les dettes et que pour seul héritage, non gagé, il possède une caravane en Écosse. Il quitte Londres et se rend là-bas avec deux tupperwares en main contenant les cendres de ses ascendants, ces femmes écossaises d’origine, et autochtones de ces montagnes. Il débarque dans le lotissement de caravanes et découvre ses nouveaux voisins, plus étranges et plus sublimes les uns que les autres. Mais il n’est pas au bout de ses surprises. Et bien entendu l’amour l’attend, sous le visage d’une femme qui polit la lune !
Je ne vous en dirai pas davantage, pour ne pas vous gâcher la lecture du roman et parce qu’en réalité le reste est de la poésie pure, une chose qui ne se restitue pas dans une chronique ! Mais j’ai constaté que plus nous avançons dans l’expression de la chaleur humaine, plus le climat est rude. Nos protagonistes se rapprochent, d’eux-mêmes et de leurs voisins, cependant que les températures chutent et que la neige se forme, la glace s’empare des paysages.
Que dire de plus ?! Oui, j’ai aimé ce livre. Les réalités de notre monde, peu jolies, sont mises en scène et sont teintées de nuances. Une note inhabituelle peut-être pour un récit traitant de thèmes actuels m’a particulièrement charmée : les légendes des autochtones d’autrefois sont vues tels des réalités intangibles. Et dans cette autre réalité, en temps de crise on peut survivre si l’on sait se nourrir de la lumière du soleil, si l’on est « buveur de lumière »…
LES BUVEURS DE LUMIÈRE
(The Sunlight Pilgrims)
Jenni Fagan
Traduit de l’anglais par Céline Schwaller
Editions Métailié 2017 (v.o. 2016)
Sortie poche Points, 2019
Les illustrations présentées dans cet article sont les œuvres de :
– Vik Muniz,
– Peter Alexander